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Notre regard

Naufrage au large des îles Kerkennah: témoignage d’un des réfugiés

Quelque 250 immigrants qui tentaient de rejoindre l’Europe étaient portés disparus après le naufrage de leurs embarcations en Méditerranée, au large de la côte tunisienne, avait déclaré à Reuters le jeudi 15 août, un responsable des services de sécurité tunisiens. La marine nationale tunisienne a secouru la nuit du 17 au 18 août, les 286 réfugiés à bord de l’embarcation. Il se trouveraient parmi eux au moins une dizaine de personnes du camp de réfugiés de Choucha, dont des femmes et des enfants. Le 18 août, le Croissant rouge tunisien et le FTDES, après avoir négocié avec le gouverneur de Médenine, ont finalement obtenu que la dizaine de réfugiés venus de Choucha ne soient pas expulsés vers la Libye. Le HCR serait lui aussi intervenu dans ce sens. Quant aux autres réfugiés, ils sont toujours dans l’attente d’une décision gouvernementale.

Le site de nawaat.org a publié le 20 août 2013 le témoignage d’un rescapé. Cliquez ici pour lire l’article sur nawaat.org.

biCliquez ici ou sur l’image ci-contre pour voir la vidéo du communiqué de presse du FTDES qui retrace les faits liés à cet événement.

240 réfugiés ont été retrouvés dans les eaux territoriales tunisiennes au large des îles Kerkennah, après trois jours en mer, durant la nuit du 17 au 18 août. Les rescapés ont été retrouvés dans un état physique et psychologique critique. Parmi ces derniers se trouvent également des femmes et des enfants, dont des nourrissons.

L’embarquement a eu lieu dans la ville libyenne de Tajoura, sans la présence d’un capitaine professionnel. D’après les rescapés, les passeurs de l’immigration clandestine en Libye avaient également pour rôle de former leurs “clients”, c’est-à-dire les ‘Haragas’, avant de les laisser face à leur destin, au large de la Méditerranée.

Chaque clandestin a du payer 1 500 $ afin d’accéder à l’embarcation. Malgré cela, ils déclarent avoir subi de mauvais traitements.

[caption id="attachment_10218" align="alignright" width="300"]IMG_8412-S-nawaat Monedar Bur Achille, originaire du Congo-Kinshasa, livre son témoignage sur le naufrage et le sauvetage.[/caption]

Le correspondant de Nawaat a rencontré l’un des rescapés (cliquez sur l’image ci-contre pour écouter le témoignage), Monedar Bur Achille, originaire du Congo-Kinshasa, qui nous livre son témoignage sur le naufrage et le sauvetage.

C’est grâce à un pêcheur tunisien que l’embarcation endommagée, transportant les clandestins terrorisés, a pu être secourue au large des îles de Kerkennah. Certains des réfugiés s’étaient jetés à l’eau afin de pousser l’embarcation vers la mer, mais en vain. Après avoir tout tenté, un des clandestins, provenant du camp de Choucha, a alors contacté le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) pour demander de l’aide. Le FTDES a contacté la Marine italienne qui a confirmé que l’embarcation se trouvait dans les eaux territoriales tunisiennes. La Marine nationale tunisienne a finalement pris le relais en lançant des recherches qui ont permis de trouver et secourir les rescapés grâce à l’aide du pêcheur tunisien.

Les 240 réfugiés rescapés ont été pris en charge par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), le Croissant rouge tunisien et l’Organisation internationale de secours islamique, et se trouvent à l’heure actuelle dans un foyer universitaire dans la ville de Medenine.

Certains des rescapés souhaitent tout de même retourner en Libye afin de ré-embarquer clandestinement vers l’Europe. D’autres ont exprimé leur volonté de repartir vers leur pays d’origine, alors qu’une partie voudrait obtenir le statut de réfugiés en Tunisie.

Communiqué de l’association française La Cimade: « Risques de refoulement d’exilés vers la Libye« , publié le 23 août 2013:

Un sauvetage qui pourrait tourner au désastre : près de 300 boat-people sauvés en mer par des pêcheurs tunisiens et la garde nationale tunisienne sont enfermés illégalement et pourraient être refoulés par les autorités tunisiennes vers la Libye.

Les 17 et 18 août, deux embarcations ont été secourues au large de la Tunisie. La première s’était ensablée devant Kerkennah avec 240 personnes à bord, la seconde se trouvait au large de Ben Guerdane, avec 46 personnes. Partis de Libye, ces boat-people de différentes nationalités tentaient de fuir les conditions catastrophiques et les violations dont sont victimes les étrangers dans le chaos libyen actuel.

Parmi les 240 personnes du premier bateau, 47 Tunisiens ne sont plus à la charge de la garde nationale, mais les 193 exilés d’autres nationalités ont été transportés dès le lendemain en bus en direction de la frontière libyenne. Suite à l’intervention de plusieurs organisations dont le Croissant Rouge, le FTDES et le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), ils ont été conduits dans un foyer à Medenine (au sud de la Tunisie) où ils sont maintenus sous surveillance policière. Les 46 autres personnes du second bateau, dont douze femmes, ont été détenues pendant 48 heures à Ben Guerdane avant d’être transférées elles aussi à Medenine dans un entrepôt gardé par la police. Pourtant, aucune loi ne prévoit ni n’encadre en Tunisie l’enfermement administratif des étrangers pour entrée ou séjour irrégulier.

Tous ces exilés, parmi lesquels se trouvent des personnes ayant transité par le camp de Choucha, à la frontière tuniso-libyenne, sont aujourd’hui privés de liberté. Avec la crainte d’être refoulés en Libye, puis vraisemblablement enfermés dans des camps de rétention où se perpétuent de graves violations des droits humains.

Les refoulements vers la Libye doivent cesser :

  •  La liberté des migrants et des réfugiés est menacée dans la Libye aujourd’hui. Or, l’article 33 de la Convention de Genève sur les réfugiés interdit tout refoulement et toute expulsion d’une personne « sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».
  • De nombreux rapports internationaux dénoncent les traitements inhumains et dégradants ainsi que des attitudes xénophobes, les enfermements arbitraires, les violences et les travaux forcés dont sont victimes les étrangers en Libye, travailleurs migrants ou demandeurs d’asile.

Malgré la présence de programmes d’intégration locale et la promesse de titres de séjour, les réfugiés qui se trouvent en Tunisie rencontrent de grandes difficultés à vivre dignement et beaucoup décident de prendre la mer pour un mieux-être ailleurs.

En conséquence, les organisations signataires lancent un appel urgent.

Aux autorités tunisiennes :

  • Pour la libération de l’ensemble des personnes étrangères détenues en Tunisie dans des lieux d’enfermement illégaux et par le biais de procédures extrajudiciaires.
  • Pour empêcher tout refoulement vers la Libye.

Aux Etats membres de l’Union européenne :

  • Pour qu’ils acceptent enfin d’offrir des places de réinstallation aux personnes reconnues réfugiées en Tunisie compte-tenu de l’échec des politiques d’intégration et des engagements du gouvernement tunisien en termes de titres de séjour.