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Le Courrier | Accueillir un réfugié: «Un geste de fraternité»

Alors que des familles se proposent pour héberger des réfugiés, Maurice Gardiol se souvient de son expérience avec des Chiliens en 1973.

Article de Mohamed Musadak publié dans Le Courrier, le 2 août 2014. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

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Depuis que l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) a lancé, en décembre dernier, un appel pour inciter les particuliers à accueillir des réfugiés chez eux, plus de cent cinquante familles provenant de toute la Suisse y ont répondu favorablement. Un élan de solidarité qui rappelle celui mis en place au début des années 1970 pour venir en aide aux Chiliens persécutés par le régime Pinochet. Pour les familles qui se dévouent, qu’est-ce que cela implique? Maurice Gardiol, président de l’association Camarada, qui vient en aide aux femmes migrantes,
a accepté de raconter au Courrier son expérience d’accueil d’un jeune couple de Chiliens.

MM: Comment se retrouve-t-on à accueillir des réfugiés chez soi?

Maurice Gardiol: En 1974, alors que j’étais encore assistant social au Centre social protestant, nous avions constaté que de nombreuses familles chiliennes se retrouvaient à la rue. Elles avaient fui la Roumanie où, par solidarité socialiste, Ceausescu avait accepté d’accueillir des dissidents chiliens fuyant la dictature de Pinochet. Malheureusement, il les maintenait sous haute surveillance et son sens de l’accueil n’avait d’hospitalier que le nom. Ils ont donc fui vers la Suisse.

Mais pourquoi chez vous?

Ils n’entraient pas dans les critères de la Confédération pour bénéficier d’un logement d’urgence. Le temps d’évaluer leur statut et d’entreprendre les démarches administratives nécessaires, nous avons hébergé, avec mon épouse et les voisins avec lesquels nous partagions une maison mitoyenne, un couple de jeunes Chiliens. Ce qui ne devait être qu’un court séjour a fini par durer plus d’une année. Heureusement, le canton de Genève leur a vite octroyé une autorisation de travail et ils ont rapidement pu devenir autonomes même s’ils vivaient avec nous.

La cohabitation était-elle difficile?

Non, pas vraiment, mais ils n’avaient aucune assistance de l’Etat, ils ne parlaient pas français et nous ne parlions pas espagnol. Il a fallu s’habituer, c’est certain. Vous savez, l’intégration ne doit pas aller que dans un sens. Elle doit permettre de s’enrichir mutuellement, de permettre à des communautés diverses de vivre mieux ensemble.

Votre geste était-il politique?

C’était avant tout un geste humain, de fraternité. Dans ce genre de cas, quand vous avez face à vous une personne qui a tout perdu, on sort de la théorie, du discours. On entre dans le concret, on comprend la personne.

Etait-ce donc totalement désintéressé?

On ne l’a pas fait en attendant quelque chose en retour, en tout cas. L’expérience nous a toutefois apporté beaucoup: une belle histoire d’amitié. Nous sommes encore amis avec le couple que nous avons hébergé. Je suis même le parrain de leur fille et nos enfants sont partis avec les leurs pour découvrir le Chili. C’est une très belle aventure humaine.

L’OSAR a attiré l’attention sur l’importance de l’encadrement psychologique des réfugiés. Trop compliqué pour un particulier?

C’est un vrai besoin. A l’époque nous pouvions compter sur un réseau d’amis compétents dans le domaine. Tout comme l’OSAR peut compter sur un réseau de psychologues ou de médiateurs culturels qu’elle pourra mettre à disposition des familles accueillantes. Il faut savoir que les réfugiés sont reconnaissants et qu’ils feront tout pour que la cohabitation se passe bien. J’espère que la nécessité d’un encadrement ne sera pas utilisée comme prétexte par les autorités pour empêcher l’entraide.

Comment définiriez-vous l’expérience que vous avez vécue?

Comme un acte de responsabilité. Face aux atrocités qui ont lieu en Syrie, en Erythrée ou ailleurs dans le monde, les gens ne savent pas comment agir, alors ils se résignent, se découragent. En accueillant un réfugié chez soi, on fait preuve de responsabilité solidaire. Cela dit, l’Etat ne devrait pas se reposer sur ses citoyens.

Concernant l’initiative de l’OSAR, voir:

Sur une initiative similaire en France: