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Combien de réfugiés syriens la Suisse s’apprête-t-elle à accueillir?

Relocalisation, réinstallation et visas humanitaires: Combien de réfugiés syriens la Suisse s’apprête-t-elle à accueillir?

Vivre Ensemble s’est penchée à plusieurs reprises sur l’accueil des réfugiés syriens par la Confédération, tant sur les effectifs que sur les conditions de venue en Suisse (VE 145 et VE 151). Pour l’heure, 9000 réfugiés syriens sont arrivés en Suisse depuis le début de la crise syrienne, selon le Secrétariat d’Etat aux migrations. Le 18 septembre 2015, le Conseil fédéral a annoncé participer « au premier programme de répartition des réfugiés mis sur pied par l’Union européenne ». Une annonce qui fait suite à d’autres du même type émanant des autorités.

Mais quel est le nombre de Syriens que la Suisse s’apprête effectivement à accueillir? Nous proposons une mise au point quantitative et une explication des trois programmes dans lesquels l’administration fédérale inscrit l’arrivée en Suisse des Syriens: relocalisation, réinstallation et visas humanitaires.

Mars 2015: Un contingent de 3000 Syriens

Le 6 mars dernier, la Suisse avait décidé d’accorder, sur une période de trois ans, une entrée facilitée sur son territoire à 3000 Syriens: 2000 personnes dans le cadre d’un programme de réinstallation* durable et 1000 personnes via l’obtention d’un visa humanitaire facilité. Cette dernière mesure s’adressait aux proches parents (conjoints et enfants mineurs) des personnes déplacées ayant déjà été accueillies en Suisse en qualité de personnes admises à titre provisoire. Normalement, une personne admise à titre provisoire doit attendre 3 ans pour activer le regroupement familial. La facilitation ainsi accordée permet aux personnes arrivées en Suisse entre-temps de pouvoir le faire sans attendre.

Septembre 2015: 1500 Syriens relocalisés

Le 18 septembre 2015, le Conseil fédéral annonce « participer au premier programme de répartion des réfugiés mis sur pied par l’Union européenne« . L’annonce a été largement reprise par la presse, qui a également et justement relevé que ces 1500 personnes seraient déduites du contingent de 3000 personnes décidé le 6 mars dernier. Il s’agit de 1500 personnes déjà arrivées en Grèce et en Italie et qui pourront bénéficier d’une relocalisation* en Suisse.

Ainsi, 3000 Syriens et demandeurs d’asile en tout pourront arriver en Suisse de façon facilitée par trois voies différentes:

  • 1500 personnes pour lesquelles le taux de reconnaissance est élevé (par ex. Syrie ou Erythrée) pourront bénéficier d’une relocalisation depuis la Grèce ou l’Italie;
  • 1019 (au lieu de 2000) personnes pourront bénéficier d’une réinstallation et obtiendront en Suisse un statut de réfugié;
  • 500 (au lieu de 1000) personnes pourront demander un visa humanitaire via un programme de regroupement familial et obtiendront, à leur arrivée, une admission provisoire.
Fiche d’information du 18 septembre 2015, SEM, DFJP

*Réinstallation –vs- *relocalisation

La réinstallation consiste, pour un Etat, à accueillir des personnes déjà placées sous la protection du HCR installées dans un Etat tiers. Elle repose sur une négociation entre chaque Etat volontaire et le HCR.

La relocalisation est un mécanisme prévu par le Traité de Fonctionnement de l’Union européenne – TFUE (art. 78-3) pour les cas de «situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers» dans un ou plusieurs Etats membres.

Source: http://www.gisti.org/IMG/pdf/dppdm_la-situation-en-mediterranee-n_est-pas-une-fatalite.pdf

Quid des Syriens en Syrie ou dans les pays voisins, n’ayant pas pu s’inscrire en 2013 pour rejoindre leurs proches?

Le Parlement a rejeté, le 9 septembre dernier, la proposition de réintroduire les demandes d’asile aux ambassades, supprimées par arrêté fédéral urgent fin décembre 2012. Les visas humanitaires avaient faussement été présentés comme une alternative à ces procédures. Face aux drames en Méditerranée, les 208 visas accordés depuis par la Suisse font pâle figure. Le Conseil fédéral l’admet dans sa réponse à l’interpellation parlementaire « Visa humanitaire dans le cas Huseynov. Nombre de tels visas et conséquences potentielles« , déposée le 16 juin 2015 par M. Peter Keller: « Les conditions d’entrée dans le cadre de la procédure d’octroi d’un visa humanitaire sont plus restrictives que celles prévues pour les demandes d’asile auprès d’une ambassade et la grande majorité des demandes de visas humanitaires sont rejetées« . Le Conseil fédéral relève aussi que le nombre de demandes de visas humanitaires déposées et traitées ne peuvent être évaluées « pour des raisons techniques ».

Sur le terrain, les Syriens qui n’avaient pas pu bénéficier des mesures de l’automne 2013 et qui cherchent à faire venir leur famille par le biais des visas humanitaires se heurtent à des obstacles insurmontables (lire « Le visa humanitaire, une belle entrave administrative« ).

La proposition du Conseil fédéral ne leur sera d’aucun secours.

Alors que la révision de la loi sur l’asile était encore en discussion au Parlement, le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés avait invité la Suisse à maintenir les procédures d’ambassade. Un appel qui résonne singulièrement aujourd’hui:

Le HCR encourage les autorités suisses à reconsidérer l’abolition de la procédure d’ambassade, parce que celle-ci constitue en particulier pour les personnes nécessitant une protection qui ont un lien fort avec la Suisse une possibilité efficace d’éviter les itinéraires de fuite dangereux et les passeurs et contribue actuellement à compenser les difficultés dans les cas de regroupement familial.

Source: http://www.unhcr.ch/fileadmin/user_upload/unhcr_ch/Recht/Brief-NR20120530F.pdf

Cristina Del Biaggio,

avec la collaboration de Camille Grandjean-Jornod

Pour plus d’informations:

Sur l’annonce du 18 septembre 2015 du Conseil fédéral:

•   SEM, « Situation actuelle, réinstallation et relocalisation« , 18.09.2015.

•   Etienne Piguet « La générosité fait 1500 perdants« , publié sur son blog le 20 septembre 2015 et hébergé sur le site de L’Hebdo.

Sur le nombre de réfugiés syriens et les visas humanitaires:

•   Sophie Malka, « La Suisse et l’accueil des réfugiés syriens« , Vivre Ensemble, n°151, février 2015.

•   Angèle Bilemjian, « Les visas humanitaires à l’épreuve de Lampedusa et de la Syrie… Une réforme en trompe-l’œil« , Vivre Ensemble, n°145, décembre 2013.

Sur la politique de visas humanitaires facilités d’automne 2013:

•   Sophie Malka, « Accueil des réfugiés syriens: On ne change pas les règles du jeu en cours de partie!« , Vivre Ensemble, n°145, décembre 2013.

•   OSAR, « Enterrer définitivement la demande d’asile auprès d’une ambassade? Tenir enfin les promesses relatives aux visas humanitaires« , 28.02.2014.

 

Contacts:

Sophie Malka et Cristina Del Biaggio

Vivre Ensemble

022 320 60 94

079 712 80 84