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ODAE romand | Permis F: Admission provisoire ou exclusion durable?

Dans son dernier rapport publié ce jeudi 8 octobre, l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE romand), offre une analyse détaillée de la situation des personnes détentrices d’un permis F. En se basant notamment sur des témoignages, cette étude met en évidence les différences entre l’admission provisoire et l’asile. Les restrictions et les difficultés que rencontrent ces personnes du fait de ce statut, freinant leur intégration, sont également mises en lumière.

Communiqué de presse

Permis F: admission provisoire ou exclusion durable?
Genève, le 6 octobre 2015

 

Qui sont les quelques 30’000 personnes qui détiennent actuellement une admission provisoire en Suisse? Quelles différences entre ce statut et l’asile? À quelles restrictions sont soumis les titulaires de ce statut et avec quelles conséquences sur le plan humain?

Ce sont les questions auxquelles tente de répondre l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE romand) dans son rapport publié aujourd’hui, fondé sur plusieurs cas concrets et témoignages récoltés dans les différents cantons romands. Une exposition de photographies, témoignages et courts-métrages accompagne cette publication et vise à sensibiliser le public à cette problématique en donnant la parole aux personnes directement concernées. Le constat qui ressort du rapport de l’ODAE romand est préoccupant. Les titulaires de permis F sont confrontés à des difficultés qui entravent leur intégration, même après plusieurs années de séjour en Suisse. Et les conséquences d’une intégration considérée comme insuffisante sont parfois dramatiques puisque l’intégration conditionne l’accès à d’autres libertés telles que celle de voyager, de vivre en famille ou d’obtenir un permis de séjour. Récemment, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies (CERD) a appelé la Suisse à mettre fin aux restrictions faites aux droits fondamentaux des personnes admises à titre provisoire, surtout si elles sont soumises à ce régime sur une longue durée.

Or, plus de la moitié des titulaires d’une admission provisoire résident en Suisse depuis plus de six ans. Par ailleurs, la majorité des levées d’admissions provisoires sont prononcées en raison de l’octroi d’un permis de séjour (permis B). Ainsi, malgré ce que laisse penser son intitulé, l’admission provisoire s’avère souvent durable et est dans la majorité des cas octroyée à des personnes qui resteront longtemps, voire définitivement en Suisse. En ce qui concerne l’octroi des admissions provisoires, l’ODAE romand constate, grâce à ses correspondant.e.s sur le terrain, une pratique des autorités consistant à donner une admission provisoire en lieu et place d’un permis de séjour aux personnes qui pourtant remplissent les critères de reconnaissance du statut de réfugié. Il existe donc un risque que l’admission provisoire devienne un «asile au rabais». Une telle pratique met en danger l’essence même du droit d’asile.

Le rapport met en lumière les limitations imposées aux titulaires d’une admission provisoire en matière de mobilité (interdiction de voyager et de changer de canton de résidence sauf à certaines conditions), de regroupement familial (délai d’attente et conditions difficiles à remplir), d’accès au travail (contraintes administratives et manque d’informations des employeurs), d’aide sociale (inférieure à celle des autres résidents) et de formation (jeunes titulaires du permis F interdits de bourses d’études dans certains cantons). D’une manière générale, ces observations démontrent que, du point de vue de l’intégration, les personnes titulaires du permis F sont dans une situation paradoxale: pour sortir de la case «permis F», et bénéficier d’un permis B qui facilitera sous bien des aspects leur accès à un emploi, les personnes admises à titre provisoire doivent faire preuve… d’intégration! Ce paradoxe engendre de l’incompréhension et du découragement chez les principaux intéressés, comme le prouvent leurs nombreux témoignages. L’octroi d’une admission provisoire représente un autogoal, puisque des personnes qui resteront longtemps, voire définitivement en Suisse, ne bénéficient pas d’un statut favorisant leur processus d’intégration. Comme le souligne Denise Efionayi-Mäder, Directrice adjointe du Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) à Neuchâtel et auteure de la préface du rapport de l’ODAE romand: «Le cadre réglementaire de l’admission provisoire tend à piéger particulièrement les membres les plus vulnérables de la population concernée: une analyse récente des données du registre des étrangers montre qu’une proportion croissante de familles avec enfants mineurs, de femmes et de personnes âgées tendent à conserver cette mesure de substitution pendant plus de dix ans, sans véritable perspective de pouvoir obtenir un permis de séjour».

Un postulat de la Commission des institutions politiques du Conseil national, déposé en février 2014, a exigé du Conseil fédéral «d’examiner comment améliorer le statut des étrangers admis à titre provisoire dans la loi sur l’asile et dans la loi sur les étrangers ou à trouver une nouvelle réglementation». Par la publication de ce rapport et grâce à l’exposition itinérante qui l’accompagne, l’ODAE romand espère participer à la prise de conscience qu’une modification de ce statut est nécessaire, dans l’intérêt des personnes concernées, mais également dans celui de la société toute entière.

En parallèle, une exposition illustrera les témoignages dont l’ODAE romand  fait référence dans son rapport. Au travers de photographies, courts-métrages et témoignages, la parole sera donnée à ceux qui vivent quotidiennement la réalité de ce statut.

vernissage odae