Archives Vivre Ensemble

Service de presse
2. Droit d'urgence manipulé : Arnold Koller en échec

Service de presse N° 2 - 29 avril 1999

1. Arnold Koller s'en va : des adieux sans regrets

Arrivé à la tête du département fédéral de justice et police (DFJP) au début de 1989, après la démission de Madame Kopp, Arnold Koller sera resté dix ans à la tête de la politique d'asile suisse. Mais là où on espérait une certaine modération du professeur de droit démocrate-chrétien aux allures de père tranquille, il fallut rapidement déchanter. Hanté par la peur de l'invasion, mis sous tension par la droite nationaliste, Arnold Koller ne cessera de durcir le jeu.

Avec le recul, Arnold Koller restera sans doute l'homme des procédures parlementaires bâclées. Six mois après son entrée en fonction il fait mettre en chantier un arrêté urgent que les chambres adopteront dans la précipitation en concentrant tous leurs débats sur la seule session de juin 1990. Scénario presque identique en juin 1994, avec l'adoption en une seule session de la loi sur les mesures de contrainte. Quatre ans plus tard, c'est à nouveau par un arrêté urgent qu'Arnold Koller parachèvera la révision totale de droit d'asile.

A chaque fois, les garanties d'une procédure équitable pour ceux qui viennent demander l'asile en Suisse disparaissent un peu plus. Avec l'Arrêté urgent de 1990, la Suisse cherche à écarter de la procédure les ressortissants de pays prétendument sûrs (comme l'Algérie et l'Angola...). Une tactique largement reprise depuis lors en Europe. On inaugure aussi, dès 1990, la technique du refus d'entrer en matière, qui dispense d'examiner sérieusement les motifs, et que l'Arrêté urgent de 1998 va généraliser.

Parallèlement, et avec une grande constance, Arnold Koller va s'efforcer de réduire « l'attractivité » de la Suisse, dans une optique de pure dissuasion. Les restrictions au droit de travailler sont étendues et les budgets d'assistance sont réduits. Dès 1992, les requérants nourris et logés dans des foyers ne recevront plus que 3 fr. d'argent de poche au lieu de 5 fr. Parallèlement, l'attribution à un canton, contre laquelle tout recours est exclu, est souvent utilisée pour isoler les réfugiés de leurs proches, quitte à les faire basculer dans la dépression ou la délinquance.

Pourquoi une orientation aussi exclusivement négative ? En 1990, Arnold Koller se fera l'écho de la crainte de voir arriver 100'000 demandeurs d'asile russes suite à la chute du rideau de fer. On ira même jusqu'à organiser un grand exercice d'état-major sur ce thème au Palais fédéral le 15 novembre 1990. Les 100'000 Russes ne sont jamais venus, mais cette hantise imprégnera durablement la réflexion d'Arnold Koller. Homme d'ordre, il se montrera aussi obsédé par les abus, au point de justifier, pour tenter de les écarter, des restrictions visant sans distinction tous les candidats à l'asile.

La peur d'être débordé sur sa droite sera une autre grande constante de sa politique, comme si le fait de faire des concessions aux milieux xénophobes et nationalistes pouvait réduire leur influence. Plusieurs fois, on assistera au même scénario. Après une campagne du Blick et des revendications outrancières de l'UDC, Arnold Koller intervient pour calmer le jeu, mais toujours en faisant quelques pas en direction de la droite la plus dure. A la tribune du Conseil national, les Démocrates suisses n'auront pas de mots assez chaleureux pour le remercier d'avoir étendu dramatiquement la détention administrative contre les étrangers. Et le coeur de l'Arrêté urgent de 1998 est à rechercher dans l'initiative UDC rejetée en 1996.

Les tendances de fond de la politique d'asile ne sont évidemment pas le fait d'un seul homme. Il n'empêche qu'avec son air bonhomme propre à désarmer bien des observateurs, Arnold Koller aura été particulièrement efficace pour banaliser des atteintes répétées au droit d'asile. Les Albanais de Kosove en savent quelque chose, eux que le Conseiller fédéral Koller s'est acharné à renvoyer, en réussissant à faire passer pour quelque chose de normal l'accord de reprise négocié avec les criminels de guerre de Belgrade en 1997. Un accord qui a servi à renvoyer quelques 3'500 personnes, qui n'étaient de loin pas toutes condamnées pénalement, et dont beaucoup sont sans doute mortes aujourd'hui.

[Haut de page]