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Service de presse
1. Réfugiés de la violence : rien de bien nouveau, sauf le pire
3. Politique d'asile : propositions pour sortir de l'impasse

Service de presse N° 4 - 25 mai 1999

2. Capacité d'accueil : la grande intox recommence

A moins de trois semaines du scrutin sur la révision du droit d'asile, la grande intox recommence. L'ODR organise minutieusement la saturation des centres d'enregistrements pour requérants d'asile (CERA) en y prolongeant sur deux ou trois semaines des formalités qui peuvent être menées en deux ou trois jours (comme on le faisait en 1991), et le monde politique multiplie les scénarios catastrophe, de l'ouverture de camps d'internement à l'intervention de l'armée. La cause est entendue : les réfugiés nous envahissent, la patrie est en danger, il faut voter pour le durcissement du droit d'asile. Quelques mises au point.

  1. Les CERA ont été agrandis en 1992 après l'expérience des années 90 et 91 ou la Suisse avait enregistré 40'000 demandes d'asile. La procédure d'enregistrement devait à l'origine s'y mener en deux ou trois jours (contrôle dactyloscopique, examen sanitaire, relevé des données personnelles et audition sommaire sur les motif d'asile, cette dernière n'étant que facultative aux termes de l'art. 14 al. 2 LA). Avec la décrue du nombre des demandes (env. 20'000 par ans de 1992 à 1997) on a pris l'habitude d'y effectuer des mesures d'instruction qui prolongent le séjour dans les CERA à deux ou trois semaines, ce qui revient à réduire considérablement leur capacité. La multiplication des procédures de non entrée en matière (qui pourraient aussi bien se dérouler après l'enregistrement) va dans le même sens. Il suffirait de revenir aux formalités d'enregistrement minimales pour que les CERA puissent faire face aux arrivées, même si celles-ci dépassent les 50'000 par an.

  2. La question de l'épuisement des capacités d'accueil a fait l'objet d'une étude approfondie par un groupe de travail interdépartemental institué en février 1991. Son rapport (qui ne compte pas moins de 39 pages plus 12 annexes) a été présenté à la presse le 28 juillet 1992. Résumé de la dépêche ATS du jour : une situation serait considérée comme extraordinaire si environ 6000 réfugiés passaient les frontières chaque mois ; les infrastructures ordinaires seraient alors débordées et les cantons devraient recourir à la Protection civile ; en tout, environ 100'000 personnes pourraient ainsi trouver refuge en Suisse ; lors d'une arrivée de réfugiés dépassant 10'000 personnes par mois, il faudrait recourir à l'armée. Curieusement, tous ces seuils d'intervention ont été abaissés dans les discours officiels tenus actuellement, et le plan d'action publiée en 1992, qui montre que notre capacité d'accueil n'est pas si limitée que cela (nous sommes encore loin de 10'000 arrivées par mois) est soigneusement passé sous silence (pour référence : Assistance d'étrangers en quête de protection lors de situations extraordinaires, ODR, Berne, juillet 1992).

  3. Dans toute cette problématique, des projections fantaisistes sont faites en partant du nombre de 150'000 Kosovars installés en Suisse, comme s'il ne s'agissait que de célibataires désireux de regrouper toute leur famille. En fait, sur 194'000 Yougoslaves répertoriés par l'Office fédéral des étrangers à fin 1998 (Serbes compris), on compte 86'000 femmes et les mineurs de moins de 16 ans sont 61'000. En clair, la plupart de ces travailleurs étrangers, dont la majorité sont titulaires du permis C, ont déjà fait venir leurs proches. Pour le reste, cette présence d'une forte communauté étrangère, qui est prête à d'importants sacrifices pour aider ses compatriotes, devrait être vue comme une chance, plutôt que comme une menace. Rappelons que dès l'automne 1998, des milliers de place d'accueil dans des familles ont été proposées aux autorités, qui refusent toujours de privilégier cette formule, tout en ne cessant de se plaindre du manque de places disponibles. Comprenne qui pourra.

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